Malgré l’ampleur de la convention phare de Suisse romande, la place du jeu vidéo est de plus en plus réduite à Polymanga. Nous revenons sur ce que nous avons pu voir, ce qui nous a manqué et nos réflexions pour l’avenir.
Accrédité par Polymanga, JVMag s’est rendu sur place à l’occasion du jour d’ouverture de la célèbre convention, de retour à Lausanne depuis l’an dernier. Pour sa 20ᵉ édition, l’événement a proposé une programmation dense et variée, répartie sur les quatre jours du week-end de Pâques, fidèle à sa tradition annuelle.
Je vais me concentrer, dans ce billet d’humeur, sur la proposition vidéoludique de la convention. Il serait bien mal placé de ma part de remettre en cause la légitimité de Polymanga sur le cœur de son identité: les mangas, l’animation japonaise et le cosplay. Ma réflexion a été déclenchée par ma visite de Polymanga, mais il s’agit là d’une tendance de fond, du moins en Suisse romande.
Le petit artisan de Kyoto
Tout d’abord, Nintendo, en dernier bastion du trio de constructeurs de console. Alors que la Switch 2 a été annoncé, rien de tout cela ici pour un « business as usual » déroutant. Mes informations parlent d’une impossibilité de proposer autre chose avant la date de sortie de la nouvelle console, le 5 juin. « Please understand« comme le disait le regretté Satoru Iwata. Je ne peux pas jeter la pierre à Nintendo of Switzerland, qui fait au moins l’effort d’être encore là quand SONY et Microsoft ont depuis longtemps déserté les salons de ce genre.
On peut regretter également que des studios indé suisses ne soient plus présents sur le stand de Nintendo. Gageons qu’avec la nouvelle console, Nintendo of Switzerland aura de nouveau l’envie de mettre en avant la production locale.
Néanmoins, Nintendo proposait deux activités inhabituelles et je dois saluer l’initiative. Tout d’abord, un évènement spécial dans le context de Pikmin Bloom, qui permettait de récupérer le Pikmin exclusif de Polymanga 2025. Très sympa et bravo à Nintendo et à l’équipe d’organisation d’avoir prévu cela.
L’autre activité plus rare était du jeu de cartes Pokémon sur table. Avec d’ailleurs plusieurs staffs pour accompagner et jouer avec les visiteurs. Avec le regain d’intérêt pour le TCG Pokémon depuis la sortie de Pokémon Pocket, c’est tout à fait logique de proposer cela.
Le jeu vidéo comme outil marketing
Le journal gratuit 20min, en partenariat avec le fabricant Philips, était présent avec son traditionnel Just Dance, dans son édition 2025 cette année. Simple et efficace, mais on aimerait bien sûr un peu plus d’innovation de ce côté-là.
Dans le même lot des entreprises dont le jeu vidéo n’est pas l’activité principale, citons les stands de SwissMilk (faitière), Zweifel (fabricant suisse de chips) et RTS (radio-télévision suisse) qui utilisent le jeu vidéo pour « draguer » le public avec respectivement les bornes Swissmilk Planets, Snack Man et jeux rétro (Pac-man, Street Fighter 2…).
L’union des associations
Un autre grand espace était celui de l’association Swiss Gamers Network, avec une sélection de tournois (Super Smash Bros…), de quiz ou de défis (défi Minecraft). L’espace accueillait également de nombreuses autres organisations: le Lausanne-Sport Esports, un club d’échecs, les initiatives pour la prévention du CHUV (avec leur campagne Billy Screen) et l’association de prévention numérique valaisanne Declick ou encore la Swiss Games Academy (le camp pour s’initier aux métiers pluridisciplinaires de la création de jeux vidéo).
Amour pour les jeux anciens
Une autre indication du regain d’intérêts pour les échecs et les jeux de plateau, la présence de Clovis échecs sur son propre stand.
Pour le côté retro-gaming, l’association française MO5.com pour la préservation du patrimoine numérique était présente avec une sélection de jeux rétro en hommage à Akira Toriyama, qui a contribué à de nombreux jeux vidéo en plus de son travail reconnu de mangaka sur les séries Dragon Ball ou Dr. Slump (Aralé).
Une surprise indé dans le village des artistes
J’ai eu l’agréable surprise de découvrir, au village des artistes, l’artiste suisse Oligachomp qui a également développer plusieurs jeux vidéo (東方眠世界 ~ Wonderful Waking World, Ribbit!!!, SHELL MASTER, Flower ‘n’ Gun ‘n’ Guns, Confined, Farewell) disponible sur sa page itch.io et même sur Steam. J’aurai quand même vu du jeu vidéo indé suisse à cette convention. L’honneur est sauf.
En coulisse, JVMag a pu participer à un évènement de réseautage avec plusieurs acteurs de l’industrie du jeu vidéo en Suisse. Nous ne pouvons pas vous en dire plus, mais nous avons été très enthousiastes par ce que nous avons vu, et nous espérons que nous pourrons vous reparler de tout cela plus tard.
Où sont les poulardes ?
Je prends le risque d’une référence au film Les Visiteurs (1993) pour évoquer ma déception de la programmation jeu vidéo de Polymanga. En effet, l’absence des indés mais également de très nombreux grands acteurs du jeu vidéo suisse et international ne présage rien de très bon. Il y a bien sûr les choix réalisés par l’équipe d’organisation de la convention, mais ce ne sont pas les seules raisons.
L’absence de SONY et Microsoft n’a rien de nouveau ou spécifique. C’est malheureusement la tendance de fonds pour ces géants qui préfèrent désormais communiquer en direct ou qui n’ont du budget que pour des actions marketing dans les grandes capitales européennes.
À travers mes divers échanges, j’ai appris que certaines conventions suisses allemandes proposent un peu plus de jeu vidéo, notamment les indés suisses. On peut tout à fait comprendre que la perspective de tenir un stand pendant quatre jours, le weekend de Pâques, à Lausanne, ne soit pas facile à « vendre », surtout pour des studios zurichois. Le recentrage de ProHelvetia et Swiss Games sur la promotion des jeux suisses à l’international, et dans les salons de jeux vidéo comme la Gamescom, empêche aussi d’avoir un budget et une présence dans des conventions connexes comme Polymanga.
La disparition (du moins temporaire) des festivals Ludicious à Zürich ou Numerik Games à Yverdon m’inquiète également, et on peut se demander si la Suisse cherche encore la bonne formule pour un évènement autour du jeu vidéo comme il peut en exister chez nos voisins européens.
Heureusement, de nouvelles initiatives, comme les expositions du Musée Suisse du Jeu et son Festival Des Jeux, l’Indie Video Game Day permettent de créer de nouveaux espaces pour que l’industrie se montre, d’une manière peut être plus pertinente que la présence à une convention telle que Polymanga.