Dès septembre 2025, la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne proposera une nouvelle spécialisation consacrée aux métiers du jeu et du jeu vidéo, à destination des étudiantes et étudiants en master. Nous avons rencontré Isaac Pante, maître d’enseignement et de recherche spécialisé en fiction interactive, responsable de la formation, pour comprendre la genèse du projet et ses objectifs.
Pensée comme un complément au master ès Lettres, cette formation vise à mettre en relation les compétences déjà acquises avec les pratiques professionnelles liées à l’univers du jeu, qu’il soit vidéo, de plateau ou encore éducatif.

La concrétisation de plusieurs années d’échanges et de réflexions
Cette formation trouve ses racines au sein du GameLab de l’UNIL, groupe de recherche fondé en 2016. À l’origine, l’ambition était purement académique : se réunir pour approfondir une expertise transversale sur le jeu vidéo comme objet d’étude. Mais rapidement, la demande s’est élargie.
« Dès l’annonce de la création de notre groupe d’études, la demande a été énorme, tant du côté de la société civile que de nos collègues au sein de l’université. Nous avons littéralement été submergés par la demande. Le besoin d’une expertise sur le jeu était manifeste », explique Isaac Pante.
Le GameLab a ainsi été impliqué dans plusieurs projets à visée pédagogique ou culturelle avec de nombreux partenaires externes ou internes. Dès 2017, une réflexion a débuté autour d’une formation certifiante intégrant ces enjeux.
Pourquoi rattacher cette formation à la Faculté des lettres ?
Une question que l’on pourrait se poser naturellement : pourquoi une formation sur le jeu à l’UNIL, et non dans une école spécialisée ou une HES ?
« Il y a deux raisons à cela : la première est historique. Le GameLab Lausanne s’est créé à partir de chercheurs de deux sections de Lettres (Histoire et esthétique du cinéma et la section des sciences du langage et de l’information, à laquelle le programme est administrativement rattaché : ndlr). La seconde raison est davantage liée à nos champs de recherche. La plupart des disciplines en Lettres se construisent autour de l’analyse d’objets culturels », rappelle Isaac Pante. Littérature, cinéma, archéologie : autant de domaines qui étudient des œuvres ou des productions dans leur contexte esthétique, historique et social.
L’étude du jeu (vidéo) s’inscrit donc dans cette continuité. La formation propose d’interroger ses mécaniques, ses contraintes de production, ses ancrages sociétaux, ou encore les messages qu’il véhicule. « Nous voulons proposer une formation qui tire parti des capacités analytiques et réflexives de nos étudiant·e·s, sans sacrifier la technique et les mécaniques propres au jeu sous toutes ses formes »
Une approche complémentaire aux formations industrielles
Cette spécialisation forme à divers métiers, suivant les objectifs de chaque étudiant·e. On y acquiert des connaissances sur les cultures ludiques, mais il y a également la possibilité de s’orienter vers la création (game design, programmation).
« On souhaite proposer une approche artisanale, proche du compagnonnage. L’idée est d’apprendre aux côtés de professionnel·le·s du secteur », précise Isaac Pante. La formation peut compter sur de nombreux partenariats. La Bibliothèque cantonale universitaire, le Musée suisse du jeu (dont Selim Krichane, membre fondateur du GameLab, est directeur), de nombreux studios indépendants grâce au riche réseau de David Javet, très actif dans le domaine, le projet de recherche sur l’histoire du jeu vidéo en Suisse (Confoederatio Ludens) supervisé pour l’UNIL par Yannick Rochat, etc. Autant d’occasions pour les étudiant·es de mettre en œuvre leurs apprentissages dans des contextes concrets.
L’objectif est clair : permettre aux étudiant·es de mobiliser leurs compétences acquises durant leurs cursus dans des cadres ludiques, que ce soit pour concevoir, analyser, conserver ou valoriser le jeu sous toutes ses formes.
Contenu et structure de la formation
La spécialisation compte 30 crédits ECTS, répartis en trois modules obligatoires :
- 5 crédits ECTS sont consacrés à une série de journées thématiques, combinant apports théoriques et cas pratiques. Ces cours, menés en partie par le GameLab, offrent un cadre réflexif sur le jeu et ses usages.
- 15 crédits ECTS sont liés à un stage d’une durée totale de six semaines. Ces semaines ne doivent pas nécessairement être effectuées au sein d’une seule structure. L’étudiante ou l’étudiant peut les répartir librement entre plusieurs institutions, en fonction de ses intérêts ou des projets proposés.
- 10 crédits ECTS sont attribués à un projet personnel. Ce dernier peut prolonger le stage ou en être totalement indépendant. Il doit avant tout aboutir à une réalisation concrète – jeu, prototype, exposition – à présenter lors d’un colloque de clôture. Ce projet pourra aussi, si souhaité, dépasser le cadre académique et servir de tremplin vers un déploiement professionnel ou artistique.
Une formation pensée pour croiser les savoirs
Les compétences développées dans cette spécialisation ne visent pas à remplacer une formation technique, mais à enrichir un parcours en Lettres. L’objectif est de former des personnes capables de comprendre, d’interpréter et de produire des contenus ludiques, avec une sensibilité pour les enjeux culturels, sociaux et artistiques du médium.
Nous remercions chaleureusement Isaac Pante pour cet échange. Si la formation vous intéresse, vous pourrez retrouver toutes les informations nécessaires sur le site internet de l’Université de Lausanne ou sur le site du GameLab Lausanne.