Sans doute le film d’action le plus vertigineux de l’année. Après…

Je dois commencer par un aveu : je n’ai vu aucun des six Mission: Impossible précédents. Même le quatrième, Ghost Protocol, qui m’intriguait, puisque réalisé par Brad « Le Géant de Fer » Bird. Mais c’est qu’il ma faut aussi reconnaître que les films d’actions m’intéressent globalement assez peu. Je ne puis donc comparer le dernier Dead Reckoning avec les précédents, et dire s’il est pire, meilleur, ou simplement dans la norme. Ce que je puis assurer en revanche, c’est qu’il est indéniablement divertissant et spectaculaire.
L’anti-John Wick 4?
Et ce malgré le fait que j’appréhendais sa durée de 2h40. En effet, je déteste les films longs, surtout parce qu’ils le sont le plus souvent beaucoup trop proportionnellement à la faiblesse – pour ne pas dire la vacuité – de leur propos, ou du récit qu’ils proposent. Across the Spider-verse fait clairement partie de ceux-là, et que dire de l’assommant John Wick: Chapter 4 ? Car c’est bien en face du même genre de purge que je redoutais de me retrouver. Si certains ont crié au génie, et qualifié le dernier Wick de « cinéma total » (… forme de cinéma artistique sans concession), je fais partie de ceux qui n’attendaient plus que cette succession de fusillades ad nauseam ne prenne fin. Et j’ai clairement eu l’impression de ne pas être le seul dans la salle. Alors qu’il faut pourtant bien lui reconnaître d’être le film d’action le plus esthétique, créatif et visuellement impressionnants de l’histoire du cinéma. (J’éprouvais une sincère envie d’aimer ce film. Mais c’était avant qu’il ne m’assomme complètement.) Et je reconnais volontiers que mon choix de John Wick: Chapter 4 est peut-être seulement justifié par le fait qu’il est le dernier film d’action notable sorti peu avant Mission: Impossible. Car cela semble désormais une constante bien établie de servir des films de divertissement toujours plus longs, comme pour donner au spectateur l’impression « d’en avoir pour son argent », et justifier ainsi le prix de places excessivement élevé.
C’est donc le septième volet des aventures d’Ethan Hunt, et le troisième co-écrit et réalisé par Christopher McQuarrie, scénariste associé aux films avec Tom Cruise depuis le très bon Valkyrie de Bryan Singer, en 2008. Et très accessoirement scénariste de l’excellent Usual Suspects en 1995, réalisé par le même Bryan Singer. Première bonne nouvelle : Dead Reckoning Part 1 donne l’impression de durer presque un tiers de moins que sa durée réelle. Et par quel prodige me demanderez-vous? Peut-être parce que, contrairement à John Wick, il sait se « renouveler »? Certes, d’aucun me rétorquera que les deux films ne partagent pas tout à fait le même budget, puisque avec ces 290 mio de dollars, M:IDRP1 représente plus du triple du dernier chapitre des aventure de Wick (tout de même 90 mio). Et il y a fort à parier que le film aurait pu coûter un chouïa moins cher sans l’ego boursouflé de Tom Cruise, dont l’insistance à réaliser lui-même ses cascades, et « en conditions réelles », semble être une part non-négligeable d’un tel budget. Il y a fort à parier que le « money shot » du saut à moto a coûté un bras à lui seul. Preuve en est le making of promotionnel disponible sur Youtube depuis plus de six mois. Sauf qu’il est loin d’être le seul money shot du film; seulement celui qui a apparemment nécessité du plus de préparation, car le plus dangereux.
La clef de la réussite ? Toujours plus de matière et d’éléments.
Dans les faits, M:IDRP1 ne diffère pas tant que ça de maints films d’action vu jusque-ici, avec son lot de fusillades, chassés-croisés, courses-poursuites et courses contre la montre. Mais additionnée à une réalisation et un montage soignés, c’est sa véritable aptitude à renouveler les situations qui fait sa réussite, comme en témoigne, par exemple, la fusillade en pleine tempête de sable vers le début du film. Car ce genre de séquences illustre parfaitement les ingrédients qui entrent dans la composition des genres action et aventure, ou autrement dit: la rencontre de la matière et des éléments. La rencontre des poings et de la matière pour l’action, et la confrontation aux éléments pour l’aventure. Ce qui pourrait éventuellement expliquer pourquoi l’excès d’effets numériques ne parvient parfois pas à satisfaire certaines attentes, ou demandes de sensations de la part d’un certain public; surtout lorsqu’ils sont bâclés.
Pourtant j’ai une idée qui diffère sensiblement.
Physique vs. numérique
Car je suis convaincu que toutes les fins ne justifient pas tous les moyens, et que des effets digitaux et un sens du mouvement et des notions physiques maîtrisés sont susceptibles de procurer les mêmes sensations qu’une cascade réalisée en situation réelle. Tant mieux pour Tom Cruise s’il peut avoir le prétexte d’un film et le pognon nécessaire afin de bénéficier d’un entraînement de dingue pour s’envoyer en l’air, mais hormis les coûts de « l’exploit », ainsi que l’éventuelle connaissance du public que la cascade est effectivement réelle, ces quelques secondes produisent-elles un « frisson » plus authentique, que si elle avait été réalisée par d’autre moyens ? Je n’en suis pas certain. J’ignorais tout de la réalisation de cette séquence avant de voir le making of sur Youtube plusieurs jours après le film, et hormis avoir observé que Tom était effectivement en véritable chute libre (ses joues qui claquent au vent), j’en suis à douter qu’une cascade (bien) réalisée au moyen de trucages ait véritablement moins d’impact. Sans dénigrer le travail impressionnant fourni derrière, j’en suis quand même à penser très fortement: « tout ça pour ça ? ». Mais cela aurait, bien évidemment, également beaucoup moins fait parler du film.
Pour illustrer mon propos, je citerai mon films d’action décomplexé préféré, qui est l’incroyablement sous-estimé Shoot’em Up, de 2007, conçu de bout en bout par le génial Michael Davis. Parce que si la scène de chute libre n’est pas ma préférée car suintant par trop l’incrustation fake sur fond vert – puisque clairement trop ambitieuse pour le budget de la production (voire simplement trop ambitieuse tout court) – , elle ne manque pourtant pas de panache et embrasse pleinement sa relative invraisemblance. Parce qu’aussi faux fasse-t-elle, cela reste de l’action filmée « comme il faut », avec inventivité, les bons timings et enchaînements de plans. Et avec les moyens à disposition. Et Shoot’em Up est également une série B affranchie de tout souci de vraisemblance.
Ainsi, comme cela était déjà le cas des vues de cockpits et cascades aériennes filmés en conditions véritables de Top Gun: Maverick, je ne suis pas certain que cela change fondamentalement la perception ni les sensations des spectateurs. Ou plutôt, je suis persuadé que des prises de vue en simulateur, et le recours à des incrustations et effets numériques auraient pu produire quasi le même résultat pour le même budget. C’était surtout une nouvelle excuse pour l’ami Cruise de s’envoyer en l’air. Et un coup marketing pour un film sinon dépourvu de toute forme d’intérêt. (Ce que nous semblons être une minorité à penser.) Je suis vraiment enclin à penser que les effets numériques sont moins le problème, que la manière dont ils sont utilisés : ainsi que – et surtout ! – les délais et conditions auxquelles sont souvent soumis les équipes d’artistes chargés de les exécuter.
Un excellent divertissement donc
Abstraction faite des moyens mis en œuvre, en terme de divertissement pur, ce Mission: Impossible dernier crû est plus que compétent. Je pense qu’il n’est pas trop exagérer de dire qu’on peut le décomposer en quelques sept séquences principales plus ou moins longues, entrecoupées de phases d’exposition, de briefing, et de vague drame sans conséquence. Et contrairement à un John Wick: Chapter 4, les séquences les plus longues savent suffisamment se renouveler – au cours de leur déroulement – pour ne pas donner la sensation de tirer en longueur. Même lorsqu’on commence à se dire qu’on a déjà vu maintes fois ce genre de poursuite ou situation, le film parvient, dans la plupart des cas, à surprendre et proposer une tournure inédite. « Dans la plupart des cas », la séquence à Venise étant de loin, selon moi, la plus faible de toutes. Et c’est sans doute ce qui contribue grandement à réduire l’impression de sa durée. Christopher McQuarrie sait aussi maintenir un bon niveau de tension durant la scène d’infiltration principale, même si là encore, rien de véritablement bien nouveau à l’horizon. Et le mérite revient essentiellement à l’excellente Vanessa Kirby (…). Sinon, c’est comme d’habitude souvent la part belle à des protagonistes sauvés in extremis, tandis qu’ils auraient pu être descendus six fois par un adversaire qui les tenait en joue ; quand Ethan Hunt ne se prend pas lui-même pour Houdini et se sort d’un situation inextricable par la magie d’un spectaculaire changement de plan (ironie donc). Mais j’imagine que les spectateurs de ce genre de cinéma sont habitués au recours à ce genre d’artifices, depuis le temps, et savent suspendre leur incrédulité. Et c’est bien ce qui me fait m’interroger sur la pertinence d’élaborer des cascades réelles aussi coûteuses, et pourquoi les mêmes spectateurs, s’ils peuvent suspendre leur crédulité sur le plan de la narration, ne seraient pas également en mesure de le faire lorsque cela concerne certains trucages et effets spéciaux, .
Mais rien de plus
Mais hormis l’action et quelques moments de suspense, n’en attendez rien de plus. « Ce n’est de toute manière pas pour réfléchir qu’on va voir ce genre de film », me rétorquera-t-on. « Ni même pour ressentir quoi que ce soit », ajouterai-je. Et c’est bien dommage. Malgré toute l’énergie et l’espèce de sincérité investie dans la restitution de scènes d’action les plus physiques et spectaculaires possible, il est affligeant (sans être surprenant pour autant) de constater qu’on ressort du film avec absolument aucune matière à réflexion. Alors même que le sujet au cœur de l’intrigue suscite des débats passionnés depuis plusieurs années déjà. À aucun moment le film ne propose-t-il même le moindre dilemme moral, et n’est jamais capable d’impliquer émotionnellement le spectateur : l’émotion, une autre forme de manifestation de l’intelligence. Moins qu’un E.T., pour prendre un classique du divertissement du début des années ’80 qui a ému la terre entière et plusieurs générations, ou qu’un Né un 4 Juillet, pour citer un film pour lequel Tom Cruise a été oscarisé.
Ah oui! Car dans sa transition en cascadeur, l’ami Tom y a aussi laissé son goût (ou talent) pour le jeu. Ses haussements et froncements de sourcils font l’affaire pour illustrer toute la richesse de la panoplie d’émotions de l’homme écrasé par la vie qu’est Ethan Hunt (…), mais ne rendent que plus appréciable le jeu d’Hayley Atwell et Vanessa Kirby, qui viennent insuffler un peu d’humanité dans un film qui sinon, fait la part belle à une masculinité taiseuse (mystérieuse, pardon), musclée et le plus souvent en relative maîtrise de la situation. Car Simon Pegg et Ving Rhames, s’ils sont présents n’ont pas non plus une part phénoménale à l’écran. Indéniablement orienté action, c’est bien « Ethan Cruise » qui est mis en avant, puis, dans une moindre mesure, le personnage de Grace. Bien sûr qu’il est LE héros, mais j’ai pourtant toujours eu le sentiment que Mission: Impossible, du moins la série, mettait aussi en avant – et peut-être avant tout – un travail d’équipe. Si je doute que quiconque puisse détester Ethan Hunt, il me semble tout aussi difficile de s’y attacher particulièrement. Hormis peut-être pour l’homme désireux de lui ressembler, ou la femme qui fantasmerait une relation d’une nuit.
Du dilemme de l’intérêt de ce genre de films
Mission: Impossible – Dead Reckoning Part 1 est un très bon divertissement : soigné – sans jamais atteindre l’exubérance esthétique d’un John Wick: Chapter 4 – , spectaculaire, et au rythme soutenu du début à la fin, et dont il ne fait aucun doute qu’il devrait satisfaire un très large public. Mais il n’est malheureusement rien de plus. Et c’est sans doute en toute conscience de sa vacuité, qu’il lui aura fallu recourir à sa propre « PR stunt » (coup de pub) en mettant en avant les cascades de son acteur principal pour faire parler de lui, et tenter de laisser une marque dans l’histoire du cinéma. Je ne dis pas qu’un blockbuster doit sombrer dans le mélodrame pour être réussi, mais aussi mal écrit et taré de défauts que soit The Flash, le film parvenait à développer un peu ses personnages, et même faire poindre un semblant d’attachement pour certains d’entre eux. Et les « vrais films », au sens d’œuvres artistiques, devraient être capables de susciter de la réflexion (même un début), ou une émotion chez le spectateur qui soit autre que la surenchère d’adrénaline. Du reste le public semble-t-il gentiment se lasser de cette vieille formule. Et ce minimum émotionnel ou intellectuel semble résolument faire défaut à tant de blockbusters et films de divertissement que la question se pose véritablement s’ils méritent même d’être considérés comme autre chose que de simples objets de consommation – ce qu’ils ne se cachent même plus d’être –, et s’il y a encore un véritable intérêt à écrire des critiques à leur sujet. Tout au plus sont-ils des divertissements réussis. Et si la plupart des gens ne recherchent peut-être qu’à « se vider la tête » et s’évader du quotidien, cela ne m’empêche pas pour autant de déplorer l’état général de l’écriture des productions hollywoodiennes.
Crédits du Film
Mission: Impossible – Dead Reckoning Part One
163 minutes
Distribution
Tom Cruise en Ethan Hunt
Hayley Atwell en Grace
Rebecca Ferguson en Ilsa Faust
Esai Morales en Gabriel
Vanessa Kirby en Veuve Blanche
Pom Klementieff en Paris
Simon Pegg en Benji Dunn
Ving Rhames en Luther Stickell
Henry Czerny en Kittridge
Shea Whigham en Briggs
Frederic Schmidt en Zola
Greg Tarzan Davis en Degas
Réalisation
Christopher McQuarrie
Basé sur la série télévisée créée par
Bruce Geller
Scénario
Erik Jendresen
Christopher McQuarrie
Direction de la Photographie
Fraser Taggart
Montage
Eddie Hamilton
Musique
Lorne Balfe (encore lui !!)
Un commentaire
« C’était surtout une nouvelle excuse pour l’ami Cruise de s’envoyer en l’air. » Hihihi