*sans spoiler*
Un généreux bouquet final
Peu amateur de Marveleries, j’avais trouvé le premier film , alors si encensé, tout juste passable. Avec des situations sans enjeux dramatiques (la prison kikoolol des plus grands criminels de la galaxie), son méchant générique, son lot de scènes clichés et de gimmicks vite épuisés (« I am Groot », ça va un moment…), je peinais à saisir ce que la plupart avait trouvé de si extraordinaire.
Je ne l’ai pas revu depuis des années, et n’ai jamais vu le volume 2.
Or ce Volume 3 remet les pendules à l’heure, et s’impose non seulement comme l’ultime et meilleur épisode des Gardiens, mais aussi certainement comme un des meilleurs films du MCU!
Ce qui ne place pas forcément la barre très haut, certes, mais…

La première chose qui frappe d’entré de jeu sont les tons sombres et la musiques très mélancolique dès les premières images, à presque faire croire qu’on s’est trompé de séance; et c’est là la force du film: sa grande richesse d’ambiances, de personnages de situations et environnements, tous plus improbables les uns que les autres. Si tout cela ne fait pas forcément beaucoup de sens, James Gunn – ici seul scénariste – peut mériter la nomination du plus gros trip d’acide de l’année.
En effet, avec pas moins de sept protagonistes principaux à composer l’équipage du Bowie, une poignées d’alliés secondaires, mais aussi le Maître de l’évolution et son armée de sbires et savants, quelques caméos, ainsi que d’autres personnages encore cantonnés à des séquences de flashbacks, le pari force le respect tant l’ensemble est plutôt bien orchestré, et la succession des scènes globalement assez organique, tandis que chacun des héros trouve son utilité (parfois certes un peu artificielle) et a droit à au moins un moment de gloire. Seule l’intégration de deux personnages apparaît toutefois très maladroite (pour ne pas dire forcée) – et tout le monde comprendra auxquels je fait allusion.
À se demander si Marvel savent encore eux-mêmes pourquoi ils font des scènes post-crédits…
Certains déploreront peut-être le peu de place accordée à leur(s) personnage(s) favori(s) dans tout ce fourbi, et j’en imagine aisément d’autres particulièrement déçus par le traitement de Gamora. Pour ma part, et même si elle aurait pu clairement occuper davantage de place, je le préfère à celui dans le premier film, avec une énergie farouche plus proche d’une Neytiri d’AVATAR 2.
Toutefois y a-t-il sans doute toujours un peu trop de Drax… Car oui, il nous faut parler de l’humour. S’il n’est pas dérangeant, il n’est pas forcément particulièrement amusant pour autant; aussi les deux principaux ressorts sont-ils globalement toujours les mêmes: la stupidité de Drax, et des protagonistes qui passent l’essentiel de leur temps à se disputer – parfois à cause de la stupidité de Drax. Cela marche quelques fois, souvent pas trop, et pas du tout lorsqu’une scène entière n’est là que pour être – censément – drôle et tenter d’approfondir (…) les relations entre personnages, comme celle des « métaphores » sur le pont du Bowie entre Quill, Drax et Mantis.
Mais l’enjeu de ces Gardien de la Galaxie Vol. 3 semble pour James Gunn moins de faire rire que de livrer un ultime spectacle halluciné pour clore son aventure chez Marvel; et y parvient pleinement. Le film est d’une très grande créativité, et se révèle toujours visuellement captivant, jusque dans certains éléments de décors ou motifs architecturaux. La galerie de personnages et de costumes est elle aussi assez pittoresque. Dès la première scène, le film annonce la couleur de ses scènes de combat superbement chorégraphiées, dont la violence des coups et impacts se font réellement ressentir (quand bien même nos héros semblent par trop invincibles): la désarticulation des membres cybernétique de Nebula sous la violence des impacts qu’elle encaisse est, à titre d’exemple, à chaque fois du meilleur effet. Et le film n’est pas avare non plus en explosions, crashes et scènes de destruction massive, qui font certes partie du cahier des charges, mais se révèlent ici réellement spectaculaires et satisfaisantes.
Et contre toute attente, et comme je vous ai promis richesse et générosité, il sait également se montrer émouvant. Et c’est peut-être même ce changement de ton qui a motivé le remplacement de Tyler Bates par John Murphy pour composer la bande originale, qui embrasse une approche beaucoup plus émotionnelle et dramatique, dès l’ouverture du film. Murphy n’a jamais été particulièrement réputé pour la composition de pistes d’action, et cela se fait un peu sentir ici, tandis qu’aucun thème dynamique ou percutant n’émerge véritablement de ses nappes sonores électro-orchestrales un peu génériques. Du reste, et peut-être au plus grand regret de certains, ne réutilise-t-il qu’à trois rares occasions le thème héroïque caractéristique des Gardiens composé par son prédécesseur. Mais c’est une tout autre histoire lorsqu’il s’agit pour lui de façonner de longues pistes de nature dramatique, ou mélancolique, et notre homme a pris la tâche si à cœur qu’il livre ici de loin une des plus belles partitions de tout le MCU – et peut-être de l’année –, et nous gratifie de somptueuses pièces d’opéra d’envergure quasi religieuse. Pour ceux qui se surprendraient à sentir leurs yeux les picoter, ou quelque autre frisson, rassurez-vous, c’est parfaitement normal, et vous pouvez attribuer 60% de la faute à la somptueuse musique de John Murphy.
Ce dernier chapitre des Gardiens n’est pas exempt des défauts et mécanismes propres à ce genre de productions, mais James Gunn sait élever les enjeux quand il le faut, et ose même convoquer des visuels un peu plus dérangeants que tout ce qui avait été présenté ici dans le MCU. Si, envisagés sous un angle logique, ou juste en terme de cohérence, les enchainements de situations – et le scénario du reste – ne font pas grand sens, mais ce n’est pas là l’intérêt du film. C’est bien comme un pur divertissement psychédélique et décomplexé de quasi 2h30 sans trop de fausses notes, et l’ultime lettre d’amour d’un créateur à des personnages, auxquels il semble s’être bel et bien attaché. Et peut-être aussi un émouvant plaidoyer pour la cause animale; sans doute un peu trop superficiel pour rendre végan le spectateur moyen, mais si cela peut déjà ouvrir la discussion. Car souvenez-vous que « chaque vie compte ».
Crédits du Film
Les Gardiens de la Galaxie Volume 3 (2023)
150 minutes
Distribution
Chris Pratt en Peter Quill / Star-Lord
Zoe Saldana en Gamora
Karen Gillan en Nebula
Pom Klementieff en Mantis
Dave Bautista en Drax The Destroyer
Bradley Cooper en Rocket (voix)
Vin Diesel en Groot (voix)
Chukwudi Iwuji en Maître de l’évolution
Sean Gunn en Kraglin / On-Set Rocket / Jeune Rocket
Will Poulter en Adam Warlock
Maria Bakalova en Cosmo (voix)
Nathan Fillion en Master Karja
Réalisation
James Gunn
Scénario
James Gunn
Comic Book
Dan Abnett
Andy Lanning
Direction de la Photographie
Henry Braham
Montage
Greg D’Auria
Fred Raskin
Musique
John Murphy