Portrait Humain est la rubrique interview de JVMag qui s’intéresse à un acteur ou une actrice de l’industrie du jeu vidéo suisse au sens large. Pour le lancement de cette rubrique, j’ai pensé à Julia Handschin, une Suissesse basée dans le Canton de Vaud active dans la musique de jeu vidéo.

Robin François (RF): Tu es directrice marketing chez Helvepic, peux-tu nous en dire plus sur ce que fait Helvepic?
Julia Handschin (JH): En tant que directrice marketing (Chief Marketing Officer) d’Helvepic, une société de production de concerts spécialisée dans la musique épique (Epic Music, la musique qu’on entend dans les films, les jeux vidéo et les séries), je supervise et gère l’équipe marketing et communication. On se réunit régulièrement pour discuter de la répartition des tâches, et je m’occupe souvent de la rédaction. Je suis vraiment fière de cette équipe et de notre complémentarité : Sébastien Wagnières, notre chargé des communications numériques (Digital Communications Coordinator), prend en charge tout ce qui touche au branding, aux campagnes et à la stratégie de communication, tandis qu’Olivier Bron, notre créateur de contenu, s’occupe principalement de la production audiovisuelle et de la création de contenu pour les réseaux sociaux. On se répartit les missions entre nous, en fonction de notre stratégie de communication et marketing, et ensemble, on forme une chouette équipe.

En parallèle, je gère aussi tout ce qui est relations publiques et partenariats. Quand je vois du potentiel, je prends contact avec des personnes ou des groupes pour explorer les opportunités de concerts, notamment autour de la musique de jeux vidéo. C’est un domaine qui me passionne profondément, que je défends avec beaucoup d’énergie. Et vu mon parcours en tant qu’artiste de musique de jeux vidéo, je suis très active dans ce milieu et cette communauté, ce qui me permet de savoir assez vite à qui m’adresser. Cette partie du travail est aussi partagée avec Alexandre Pican, le PDG d’Helvepic, qui possède un réseau incroyable en Suisse dans l’événementiel et la culture, ainsi qu’avec Bernard Duc, notre directeur artistique (Music Director), lui-même compositeur avec ses propres contacts dans le milieu de la composition et du « scoring ».
RF: Comment as-tu rejoint Helvepic ?
JH: Helvepic est né d’un rêve : celui de soutenir l’Epic Music et les artistes. L’entreprise a été fondée par mon ami, Alexandre Pican, qui défend ces valeurs depuis bien longtemps. C’est un rêve que je partage pleinement avec lui, notamment à travers l’idée de réaliser des concerts d’Epic Music en Suisse. Le projet des concerts World of Warcraft a été une magnifique occasion de concrétiser cette ambition. Étant co-initiatrice de ce projet avec Alexandre, j’ai naturellement rejoint l’entreprise dès sa création, en janvier 2024, un an après le lancement du projet.
RF: Vous êtes combien chez Helvepic et comment s’organise le travail avec le reste de l’équipe ?
JH: Nous sommes actuellement six à gérer plusieurs projets de concerts en ce moments. Nous travaillons tous à temps partiel, surtout en distanciel, avec une réunion hebdo en présentiel. Chaque département (marketing, logistique, administratif, artistique) se réunit 1 à 2 fois par semaine pour faire le point. J’organise aussi des sessions de travail à plusieurs, et parfois on se permet de “shitposter” ensemble pour garder l’ambiance légère !
RF: Tu es également chanteuse et musicienne, peux-tu nous en dire plus?
JH: Oui ! Je suis chanteuse, compositrice et interprète. J’ai commencé en faisant des reprises de musiques de jeux vidéo, de dessins animés ou d’anime, souvent accompagnées de clips, grâce à ma formation en production audiovisuelle. Ensuite, j’ai composé mes propres morceaux, toujours inspirés de ces univers – jeux vidéo, films, séries, voire comics.
J’ai rejoint le groupe de rock jeu vidéo JiggyTones, je collabore avec de nombreux musiciens du milieu: j’ai été active au sein de Materia Collective, j’ai aussi contribué à des albums communautaires pour Game Grooves. Ces expériences m’ont permis d’obtenir des opportunités passionnantes, comme composer et chanter sur des bandes originales Ubisoft (notamment Watch Dogs : Legion et Beyond Good & Evil 2).
RF: Quel est ton parcours?
JH: Mon premier souvenir de chant remonte à mes 4 ans : j’ai chanté sur scène lors d’une fête familiale, en improvisant des paroles “japonaises” d’une pub pour ramen, hahah. Je ne sais pas si c’est à cause des applaudissements ou du fait d’avoir surmonté ma timidité, mais ce moment m’a profondément marquée.
À 10 ans, j’ai commencé la flûte traversière, que j’ai pratiquée pendant presque 19 ans. J’ai aussi pris des cours de chant de 13 à 19 ans, puis de 22 à 25. En parallèle, j’ai appris d’autres instruments en autodidacte : ocarina, fifre, whistles, kalimba et keytar.
J’ai aussi fait beaucoup d’activités musicales : groupes rock et les chorales (notamment Tale of Fantasy). Puis j’ai rejoint Materia Collective, un label avec lequel j’ai souvent travaillé sur des reprises de musiques de jeux. L’une de ces reprises – une version J-Rock de Spiral Mountain (Banjo Kazooie) – a même remporté un G.A.N.G. Award. Je reste infiniment reconnaissante envers ses producteurs. Petit à petit, j’ai commencé à composer mes propres morceaux inspirés de mes passions. J’ai eu des retours positifs, et j’ai décidé d’investir sérieusement dans ma carrière musicale.
Côté académique, j’ai d’abord tenté la pédagogie, mais j’ai été refusée en raison de mes difficultés en français. Issue d’une famille anglophone ayant vécu en Suisse alémanique, j’avais du mal à m’exprimer en français. J’ai alors essayé une école de musique, sans succès.
Pensant que toutes les portes se fermaient, je me suis tournée vers des études en médias et communication, avec une spécialisation en production audiovisuelle, tout en donnant des cours pour financer mes études – ce qui est assez ironique, vu mon parcours !
J’ai appris la photo et la vidéo auprès de personnes formidables (Keith Strandberg, Kristian Skeie, Tim Young, Francesco Arese Visconti), qui m’ont beaucoup soutenue. Après l’université, j’ai enchaîné plusieurs expériences : artiste contractuelle pour des personnalités YouTube comme le Nostalgia Critic, des opportunités musicales avec Ubisoft, vidéoclip à Hollywood avec Joseph Gordon‑Levitt et Logic, rejoindre Tale of Fantasy et organiser des concerts avec orchestre symphonique. Toutes ces expériences m’ont menée à Alexandre Pican, avec qui est née l’idée d’un concert World of Warcraft, puis la création de Helvepic.
RF: Tu as fait des études de musique?
JH: J’ai pris des cours de flûte et de chant, et appris plusieurs instruments en autodidacte. Je les utilise pour mes compositions ou lors de concerts en conventions. Je n’ai jamais étudié la théorie musicale de manière avancée : j’ai compris les bases, puis j’ai laissé parler mon instinct.
RF: Quelles sont tes influences?
JH: Petite, j’étais très timide et je restais souvent à la maison. Je passais mes journées à faire de la musique, à jouer à des jeux vidéo ou à regarder des séries, et cela a complètement façonné mes goûts : en musique, en storytelling, et surtout pour l’animation.
J’ai été marquée par les dessins animés des années 80/90/2000 (Transformers, Swat Kats, Gargoyles, Darkwing Duck…), et par les animes doublés en allemand comme Digimon, DBZ, Inuyasha ou Yu-Gi-Oh!. Leurs génériques épiques m’ont influencée pour mes propres créations.
Côté jeux vidéo, les musiques de Zelda m’ont toujours touchée, mais c’est Sonic Adventure 2 qui m’a bouleversée. Son univers rock et dynamique m’a aidée à m’ouvrir aux autres et à prendre confiance en moi. Les musiques de Crush 40, et particulièrement leur chanteur Johnny Gioeli, m’ont poussée à développer ma voix et ma présence scénique. Aujourd’hui encore, je reprends souvent des morceaux de Sonic avec mon groupe !
RF: Quel était le rapport de tes parents avec la musique? Et les jeux vidéo?
JH: Ils ont financé mes cours, assisté à mes concerts, et m’ont toujours soutenue dans mes choix. Je les adore et je leur suis profondément reconnaissante pour leur présence et leur appui.
Concernant les jeux vidéo, au départ, ils voyaient ça comme un simple passe-temps, avec un certain recul face aux titres plus violents ou matures. Mais avec le temps, en découvrant les opportunités que cela m’offrait, leur regard a changé. Ils ont commencé à voir les jeux vidéo non plus comme une distraction, mais comme un vrai univers créatif et professionnel.
RF: Comment a commencé ton affection pour la musique de jeu vidéo?
JH: Tout a commencé quand mon frère a eu une Dreamcast. On avait déjà une Nintendo 64, mais elle ne m’avait pas autant marquée, même si j’adore aujourd’hui ses bandes-son (Zelda: OOT, Majora’s Mask, Starfox 64, Donkey Kong 64…).
Dans le disque de démo de la Dreamcast, il y avait Sonic Adventure. Quand j’ai vu et entendu la scène d’intro du jeu, avec cette musique rock atmosphérique… j’ai été immédiatement captivé. Et c’est là que tout a commencé, surtout mon amour pour l’univers SEGA. Parce que plus tard, mon frère a acheté Shenmue, qui est en quelque sorte le prédécesseur spirituel de la franchise Yakuza – dont je suis aujourd’hui une grande fan active ! Je le regardais jouer Shenmue I et II du début à la fin. Et quand on a eu la GameCube, on s’est pris Sonic Adventure 2 Battle, qui, comme tu le sais, est l’une de mes plus grandes influences musicales.
Mais un autre jeu m’a énormément marquée : Beyond Good and Evil. Je l’ai acheté par hasard en promo chez MediaMarkt pour la PS2… et ce fut un vrai coup de foudre. Ce jeu m’a appris à quel point la musique est essentielle pour créer l’atmosphère d’un jeu.
RF: Est-ce qu’il y a des projets pour lesquels on est venus te chercher?
JH: Oui, il y en a quelques-uns, et les plus marquants sont les suivants : le documentaire musical Band Together With Logic, nommé aux Emmy Awards. J’ai été invitée à Los Angeles par Joseph Gordon-Levitt et Logic, après que ma voix a été intégrée à une chanson qu’ils écrivaient ensemble — une chanson dont le processus de création est documenté dans le film. C’était un moment totalement surréaliste. Je me souviendrai toujours de l’émotion que j’ai ressentie : j’étais une artiste en galère à l’époque, et “Joe” m’a prise dans ses bras pour me montrer qu’il comprenait mes difficultés. Ce geste a vraiment compté pour moi.
J’ai aussi été recrutée par Doug Walker, connu sous le nom de Nostalgia Critic. J’avais créé un mash-up entre le thème du Nostalgia Critic et celui de Gravity Falls, une série qu’il adorait regarder à ce moment-là. Le hasard a fait que l’un de ses épisodes spéciaux pour Halloween devait recréer plan par plan le générique de Gravity Falls, et ils avaient besoin d’un nouveau thème… c’est ainsi que j’ai été embarquée dans l’aventure, et cela depuis 2016.
Je n’ai pas été personnellement contactée pour les jeux Beyond Good and Evil 2 ou Watch Dogs: Legion d’Ubisoft, mais j’ai soumis mes demos pour des morceaux en cours de développement via la société de production HITRECORD. C’était génial de voir ma voix intégrée dans plusieurs morceaux, qui ont tous été validés par l’équipe musicale d’Ubisoft. En plus, j’ai eu l’occasion d’écrire et chanter en suisse allemand sur l’un des morceaux. J’espère que vous le découvrirez un jour dans toute sa splendeur… bien crachée, haha !
Un autre projet vraiment chouette pour lequel j’ai été recrutée est un dessin animé de Netflix super cool : Super Giant Robot Brothers. J’y ai interprété une chanson pour une scène de combat où les robots affrontaient une horde de kaijus. C’est mon ami Mason Lieberman, directeur audio de jeux vidéo incroyable et un grand talent de la communauté musique & audio de jeux, qui m’a contactée en disant qu’ils cherchaient une chanteuse rock. J’ai envoyé une démo, et j’ai ensuite été mise en contact avec l’équipe de Netflix et le compositeur de la série, Alex Mandel, qui a fait un boulot phénoménal sur la bande-son. Je l’ai d’ailleurs rencontré une fois à Annecy pendant le Festival d’Animation ; une personne adorable, et c’était un vrai bonheur de collaborer avec lui !
RF: Est-ce que tu as eu des projets annulés?
JH: Ce n’était pas un projet à proprement parler, mais c’était une opportunité énorme. J’avais écrit et interprété une chanson originale inspirée d’un dessin animé que j’adorais, et je l’avais dédiée à un acteur/doubleur qui est malheureusement décédé pendant la production. La chanson a circulé sur Internet et a fini par atteindre le créateur de la série… qui n’était autre que Guillermo del Toro. Non seulement il a aimé ma chanson, mais il m’a personnellement contactée pour me dire qu’il appréciait ce que je faisais, au point de me considérer pour un rôle chanté dans l’un de ses prochains films.
Malheureusement, cela ne s’est pas concrétisé… Comme souvent dans les productions de films, plusieurs personnes sont en lice pour un même rôle, et je n’ai finalement pas été choisie. Mais pour moi, cela a été un véritable tournant dans ma vie, l’un des plus grands jalons qui a changé la façon dont je me percevais en tant qu’artiste : si mon travail avait été suffisamment bon pour impressionner un réalisateur hollywoodien, alors je devais sérieusement envisager de poursuivre une carrière musicale professionnelle.
Plus tard, la même année, j’ai créé la reprise Beyond Good and Evil Redemption après la diffusion du premier trailer de Beyond Good and Evil 2, ce qui m’a finalement menée à travailler avec d’autres pour faire de la musique pour Beyond Good and Evil 2.
RF: C’est quoi le projet auquel tu as participé dont tu es le/la plus fière?
JH: Sans hésitation : World of Warcraft: 20 Years of Music. Un projet colossal, passionnant, qui a réuni Helvepic, Blizzard Entertainment, et d’autres partenaires. Tout ce que j’avais fait auparavant m’avait menée à ce moment précis, où chaque compétence et chaque expérience acquise comptait.
J’ai pris conscience de mes capacités, que ce soit en marketing, en communication ou dans mes compétences humaines, mais aussi de mes limites, surtout face à un projet d’une telle ampleur. Cela m’a rendue extrêmement reconnaissante envers mon équipe marketing et envers Alexandre, qui a supervisé le projet de concert, ainsi qu’envers les équipes de Blizzard et nos partenaires qui nous ont soutenus. Et le résultat fut extraordinaire, au point de me bouleverser émotionnellement. J’ai encore du mal à croire que nous ayons réussi à rendre tout cela possible ici en Suisse, et j’en suis incroyablement fière.

RF: Est-ce qu’il y a un jeu à faire pour les amoureux et amoureuses de musique de jeu vidéo? Est-ce qu’il y a un jeu qui t’a marqué pour sa musique?
JH: Je suis totalement biaisée, mais je recommande Beyond Good and Evil. C’est un excellent exemple pour comprendre comment la musique, ou parfois son absence, peut enrichir l’expérience de jeu. Je recommande aussi Rayman Legends, dont la musique, composée par le même Christophe Héral, est parfaitement synchronisée avec le level design. Un autre de mes coups de cœur reste The Witcher 3, où l’ambiance musicale sublime à merveille l’univers médiéval fantastique du jeu. Et pour le pur fun : Yakuza 0 ! Les séquences de danse et les karaokés dans les bars sont incroyables. Chanter Baka Mitai avec Kazuma Kiryu ou 24-Hour Cinderella avec Majima Goro, ça ne rate jamais !
RF: Qu’est-ce qui t’a donné envie d’entrer dans l’industrie de la musique de jeu vidéo?
JH: C’est tout simplement mon amour pour la musique de jeux vidéo. Je me suis rendu compte que je faisais de plus en plus de reprises et de collaborations avec des musicien·ne·s issu·e·s de cet univers. La communauté autour de la musique de jeux est incroyable : bienveillante, motivante, solidaire… À l’inverse de certaines sphères de l’industrie du divertissement où la concurrence est rude, voire toxique. Ici, je me sens vraiment à ma place, et ça me donne envie de continuer à créer. Bien sûr, le domaine pro reste exigeant, mais j’ai eu la chance de rencontrer des personnes incroyables, talentueuses et passionnées. J’ai hâte de collaborer avec encore plus d’artistes du milieu.
RF: Si je te dis Internet, tu me réponds quoi?
JH: Les réseaux sociaux. J’y passe beaucoup trop de temps : suivre les actus, zieuter les dernières vidéos dans mes abonnements ou juste papoter (et balancer des bêtises) avec mes potes.
RF: Ta dernière recherche en ligne?
JH: « Monoco Lorien Testard ». Oui, c’est un morceau de la bande-son de Clair Obscur: Expedition 33. Juste avant de répondre à cette interview, je travaillais sur une vidéo d’analyse de cette œuvre. La BO de Clair Obscur est absolument fabuleuse !
RF: Si tu ne devais garder qu’une seule app non essentielle sur ton smartphone, laquelle serait-elle?
JH: Franchement, n’importe quelle application de messagerie. Je suis hyper sociable, mais en même temps toujours occupée, souvent enfermée chez moi à bosser. Pouvoir envoyer un message, discuter de tout et de rien, ou juste partager un mème débile… ça change tout. Quand je ne peux pas sortir, j’ai besoin de ce lien avec les autres. Je suis une vraie workaholic, et parfois je dois me forcer à déconnecter. Les ami-e-s, ça aide à relâcher la pression.
RF: Quelle est la dernière chose que tu as cherchée sur Wikipedia?
JH: David Arkenstone, haha ! C’est un compositeur connu pour ses musiques inspirées de la Terre du Milieu, mais il a aussi bossé sur World of Warcraft. On prépare une tournée avec lui en Suisse cet automne, et je découvre encore plein de pépites sur sa carrière.

RF: Le dernier mème qui t’a fait rire?
JH: J’avoue, je suis un peu la reine du shitpost. Je fais parfois des mèmes rien que pour les envoyer à l’équipe d’Helvepic. Récemment, j’ai pris une capture de mon boss pendant une réunion Teams – il était cadré avec des montagnes majestueuses derrière lui. J’ai collé ça avec le mème du chat chanteur dans le ciel entouré de montagnes, avec la légende “same vibes”. Mes blagues sont parfois nulles, mais l’équipe ne s’en lasse jamais.

RF: Qu’est-ce qui a disparu et qui te manque aujourd’hui?
JH: Les émissions télé en direct. Il y avait un vrai charme à devoir se caler devant la télé à une heure précise pour ne pas rater un épisode de Magnum ou de Xena Warrior Princess (oui, j’assume mon crush pour Tom Selleck en mini-short ou encore la guerrière badass Lucy Lawless). Ce genre d’attente, d’expérience collective, ça ne se retrouve pas vraiment avec le streaming.

RF: Premier souvenir d’Internet?
JH: Oula… difficile à dire. Mais je crois que les débuts de YouTube m’ont le plus marquée, surtout en regardant Angry Video Game Nerd. C’était le chaos total – et j’adorais ça !

RF: Premier souvenir de cinéma?
JH: Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours. J’y suis allée avec mes frères et sœurs. Même si ce n’était pas ma toute première séance, c’est celle qui m’a le plus marquée. L’histoire, les visuels, la musique… tout m’a profondément influencée. La trilogie reste gravée dans mon cœur !

RF: Premier souvenir de jeu vidéo?
JH: Je crois que c’était Sonic the Hedgehog sur SEGA Genesis. C’était le jeu de mon grand frère. J’étais nulle, mais j’adorais la musique et les personnages. Par la suite, j’ai eu un faible pour les jeux à forte narration, avec des personnages bien développés.

RF: La dernière vidéo que tu as regardé sur YouTube?
JH: Jethro Tull – Locomotive Breath. Mon groupe, JiggyTones, veut que je joue de la flûte sur scène. Du coup, j’étudie Ian Anderson, ce génie un peu fou de la flûte rock. On se prépare pour nos concerts à Krönchen Con (2–3 août), Gamescom (20–24 août) et Hero Fest (3–5 octobre), donc je révise mes morceaux avec énergie !
RF: Est-ce que tu as/avais un blog ou un truc du genre?
JH: Fun fact : j’avais une page de fanfictions ! J’écrivais des tonnes d’histoires – Tortues Ninja, Sonic, Transformers, SWAT Kats… la totale. J’ai continué à écrire même à la fac. Franchement, ces textes m’ont permis de développer mon écriture créative, ce qui m’a ensuite aidée pour mes chansons. Vous ne retrouverez jamais ces fics (elles resteront bien cachées 😅), mais je suis quand même fière de cette étape de mon parcours artistique.
RF: Quel regard portes-tu sur ton parcours?
JH: Je vois chaque étape comme une pièce d’un puzzle. Rejoindre Materia Collective, aller à l’université malgré les obstacles, être repérée par un YouTubeur, recevoir un message d’un réalisateur hollywoodien… Tout cela a contribué à me construire. Même mes échecs – refus en école de musique, échec de la passerelle pour poursuivre des études en pédagogie, faillite de deux écoles de langues où je travaillais – m’ont menée là où je devais être.
RF: Est-ce que tu aurais des conseils pour celles et ceux qui veulent se lancer dans l’industrie de la musique de jeu vidéo?
JH: Sors de ta zone de confort, voyage, rencontre des gens. Implique-toi dans des projets liés à la musique de jeux vidéo, d’abord en ligne, puis sur le terrain. Participe à des événements comme le MAGFest, qui réunit une foule de musicien·ne·s et d’artistes, ou encore à des conventions professionnelles comme la GDC, la Gamescom ou la Game Sound Con.
Mais surtout, ne cherche pas à rencontrer les gens juste pour obtenir quelque chose. Apprends à vraiment les connaître, à les écouter, à t’enrichir de leur parcours. Les liens sincères ouvrent souvent les portes des plus belles collaborations. Parfois, tu découvriras aussi avec qui tu ne veux pas travailler – et c’est une leçon tout aussi précieuse.
C’est cette affinité humaine et artistique qui m’a permis, avec Alexandre Pican, d’imaginer un projet aussi ambitieux que le concert World of Warcraft. Sans cette complicité, rien n’aurait été possible. Les opportunités les plus inaccessibles naissent souvent de rencontres authentiques. C’est aussi grâce à cette connexion que j’ai pu inviter d’autres musicien·ne·s – parfois même des compositeur·rice·s de jeux – à jouer ensemble sur scène. C’est une expérience unique, à la fois intense et libératrice : on se lâche, on s’amuse, et on fait vibrer le public !
RF: En guise de conclusion, que peut-on souhaiter pour Helvepic? Et pour ta carrière de chanteuse et musicienne?
JH: Chez Helvepic, mon objectif est de contribuer à la croissance de l’entreprise et de développer davantage de projets de concerts, qu’ils soient de grande ou de petite envergure, en collaborant avec des personnes locales et internationales et passionnées qui croient réellement en nos projets. J’aimerais aussi impliquer davantage d’individus et de groupes capables de mettre en lumière des artistes et des projets musicaux basés en Suisse.
En tant qu’artiste moi-même, mon objectif personnel pour cette année est de travailler sur plus de projets musicaux, notamment en tant que chanteuse pour des bandes-son de jeux vidéo, et de collaborer avec encore plus de compositeurs dans différents domaines audiovisuels (films, série, court-métrage). J’aimerais également voyager davantage et me produire plus souvent avec mon groupe, JiggyTones. J’espère un jour qu’on pourra se produire dans une convention comme MAGFest ou une autre du même style.

Un commentaire
Tout à fait d’accord avec elle pour les chansons de Yakuza 0 😁