Un blockbuster estival généreux à défaut d’être complètement rafraîchissant.

Je vais vous faire un aveu : aussi passionné de robots de toutes tailles, et de méchas que je fusse lorsque j’étais enfant, je n’ai jamais vu un seul des cinq films adaptés des robots géants transformables d’Hasbro et réalisés par Michael Bay, hormis des bandes-annonces et extraits ici et là…
Enfin six, si l’on compte Bumblebee, réalisé par pas-Michael Bay, et vous comprendrez qu’il est préférable de compte de Bumblebee. (Même si lorsque je suis allé voir le film, je n’étais encore au courant de rien du tout…)
Ce qui fait en quelques sorte de ce Rise of the Beasts mon baptême de feu, ou plutôt d’Energon. Et si le film n’est pas à proprement parler renversant, on y passe plutôt un bon moment.
Bienvenu-e-s dans les ’90 !
Eh ouais ! Car sans en être la suite directe, ce septième film succède à Bumblebee, et se situe en 1994, bien avant le premier film de 2007. Et vous aurez droit à votre lot de Game Boy, de références à Sonic, Tails & Knuckles, à TLC, et du Wu Tang clan et A tribe Called Quest ! Je vais peut-être sonner comme un vieux nostalgique, mais même si certains clins d’œil peuvent sembler un peu forcés, tout cela est, dans l’ensemble, plutôt sympathique. Mais cela ne s’arrête pas là, puisque certains plans, ou événements renvoient parfois (volontairement ou non ?) à des films entre les années ’80 et 2010 ; on pense bien évidemment à Indiana Jones (qu’un des personnages cite même…), ou plus tard, quelques plans qui ne sont pas très éloignés de ceux des nuages d’invasion extraterrestre d’Independance Day, ainsi qu’un climax qui peut rappeler l’arrivée de Galactus dans un autre « Rise », celui du Surfer d’Argent dans les Fantastic Four : Rise of the Silver Surfer.

Mise à jour progressiste
Le film semble emprunter plus ou moins la même structure que le premier, mais remise au goût du jour, afin de l’adapter à des considérations plus inclusives, avec une bonne vingtaine des premières minutes consacrée uniquement au drame des personnages humains. Sauf que l’héroïne, si son rôle reste secondaire, a cette fois elle aussi droit à une histoire et une introduction plus ou moins dignes de ce nom, et est traitée comme un « être humain normal » : exit donc le « male gaze » et gros plans insistants sur chaque partie de son corps. Dans cet épisode, Noah Diaz (Anthony Ramos), un jeune afro-américano-portoricain de Brooklyn – pensez Miles Morales, en plus âgé – et Elena Wallace (Dominique Fishback), jeune afro-américaine chercheuse en archéologie dans un musée d’histoire naturelle, sont donc tous deux des personnes issues des minorités visibles en quête de reconnaissance d’une société blanche dominante.

Inutile de préciser que certains risquent de crier au « wokisme ». Sans trop m’aventurer sur cette pente glissante (qui n’est, du reste, pas le sujet), ni me lancer dans une analyse sociologique de comptoir, je dirais seulement que les auteurs se sont un peu égarés dans des travers racialistes, comme c’est malheureusement un peu trop souvent le cas avec les politiques identitaires d’outre-Atlantique. Toutes ces représentations de vilains blancs racistes ou égocentriques n’ont cependant pas heurté pour autant ma sensibilité de mâle blanc, d’autant que la situation de Noah ne m’est pas apparue complètement improbable. Le cas de la supérieure d’Elena, est en revanche un peu trop caricatural (et redondant) pour ne pas apparaître, au moins, un peu forcé; de même qu’il n’apporte pas non plus de motivations supplémentaires à la jeune femme pour justifier qu’elle prenne part à l’aventure.

Pourtant en terme de « drame humain », reconnaissons que ces ficelles sont assez efficaces, et l’ancien spécialiste en électronique de l’armée en quête désespérée d’un emploi pour subvenir à sa famille, et la jeune assistante aux connaissances en archéologies exploitées par sa supérieures, sont tous deux assez attachants.
Un Buddy Movie
Quand je les qualifie d’attachants, je parle bien entendu en terme d’écriture dramatique de blockbuster ; et donc rien qui ne soit véritablement transcendant, ou qui ne sorte particulièrement des conventions. Mais l’alchimie entre Elena et Noah se construit et fonctionne plutôt bien, et il en va de même avec les liens qu’ils tissent avec leurs nouveaux poteaux Autobots. Si Mirage peut se révéler un comic relief un peu casse-pieds au début – et nouvel Autobot mascotte en remplacement de Bumblebee (Ta Ta Taaaa !…) – , sa relation avec Noah se développe de manière étonnement sympathique. Quant à Elena, c’est plutôt avec Airazor (Michelle Yeoh) qu’elle établira une vague connexion. D’ailleurs, hormis l’aigle géant, vous ne découvrirez pas les autres Maximals avant une bonne moitié – si ce n’est le dernier tiers – du film. Et de ce côté du cast, seul Optimus Primal (interprété par un Ron Perlman que les rôles de grands singes ne quitteront décidément jamais !) a une véritable importance ; Rhinox et Cheetor étant surtout présents pour booster le roaster des gentils et… vendre des figurines supplémentaires !

Des enjeux enfantins qui se prennent trop au sérieux
Qu’on se le dise, si les moments de drame personnel ou de relation entre Elena, Noah et sa famille sont plutôt réussis, c’est moins le cas lorsque le film prend au sérieux ses (trop ?) nombreux passages d’exposition d’une pseudo-intrigue de Transwarp-McGuffin-key-truc, du sentiment de culpabilité d’un Optimus Prime toujours aussi autoritaire et grognon, et de Maximals vivant en harmonie avec la nature et un peuple autochtone péruvien. Et qui peuvent se révéler potentiellement ennuyeux, selon le niveau de tolérance de chacun pour ce genre de fadaises. (J’ai un peu de mal en imaginant une armada d’hommes blancs expliquer à des gens au mode de vie modeste, qu’ils devaient faire semblant de considérer des robots géants extraterrestres à l’apparence d’animaux sauvages (?!) et gardiens de l’équilibre naturel, cela afin de servir les besoins narratifs d’un immense divertissement commercial destiné à divertir les masses des pays les plus industrialisés…)

Car ce n’est pas vraiment pour un scénario aux enjeux dignes d’un épisode de la série animée étiré sur deux heures, que l’on va voir un film Transformers au cinéma !…
Me trompé-je ?
Mais bien pour les scènes de baston entre robots géants !
Ou les poursuites de mécha-bolides !
Si on peut regretter leur relative parcimonie, autant dire que les scènes d’action et de poursuite, une fois lancées, dépotent carrément ! Et Steven Caple Jr. et son sens dynamique de réalisation n’y sont sans doute pas pour rien. Si une des principales critiques qui reviennent au sujet des Transformers de Michael Bay, aussi impressionnants fussent-ils, était un relatif manque de poids ou d’impact de la physique de robots géants qui semblent parfois virevolter, voire danser sans grande contraintes, cela fait désormais partie du passé avec ce nouveau Rise of the Beasts qui remets les pendules à l’heure avec des échanges de munitions, missiles et coups pour le moins « musclés » !

La première poursuite de Mirage pris en chasse par plusieurs voitures de flics donne immédiatement le ton (et « gardiens de la paix » trouver un potentiel trépas – thug life, bro !), et démontre immédiatement ce dont est capable l’excellent réalisateur de Creed II, lorsqu’il déploie son savoir-faire sur des combats entre robots géants. Tout, qu’il s’agisse des impacts des coups portés, des explosions, des transformations, chutes et éboulements de terrain ont du poids, sans que la caméra ne tremble dans tous les sens, afin de simuler un faux effet d’action. Contrairement à Michael Bay, Steven Caple Jr. n’insiste plus à grands coups de plans appuyés sur des transformations interminables (« Regardez comme nos animateurs se sont tailladés les poignets en animant des milliers de polygones dans des transformations improbables !).

Dans Rise of the Beasts, les transformations se font le plus souvent en mouvement, pour ne pas dire en pleine action, et le plus rapidement possible (contrairement aux jouets…) pour un résultat, sinon moins « impressionnant », beaucoup plus efficace et spectaculaire. En fait, il m’est même venu un moment à l’esprit que les scènes d’action ont un une énergie et une puissance pas très éloignées de celles de Terminator 2.
Regardez juste cette bande-annonce afin de vous en convaincre :
Climax en demi-teinte
Enfin, si la longue baston générale de fin n’est pas dépourvue de moments et plans vertigineux – et semblerait moins interminable que celles des films de Bay – , cette espèce d’arène terne et grisâtre intégralement numérique n’est pas sans rappeler la fin d’Avengers: Endgame – en toutefois plus lisible et dynamique – , et n’atteint malheureusement que rarement la puissance des scènes d’action qui lu précèdent, moins foisonnantes et chaotiques, mais mieux construites, et aux impacts plus satisfaisants; toujours plus n’est pas forcément synonyme de mieux. Du reste, le film tente de faire monter les enjeux jusqu’à une situation si désespérée, que quasi plus aucune tentative de sauver la situation n’apparaît véritablement crédible.

Mes plus gros regrets sont l’absence d’authentiques Predacons (pour davantage d’affrontements en lieu et place des scènes de bla-bla), mais surtout l’éviction trop rapide de Battletrap et Nightbird, les deux Terrorcons subalternes du terrible Scourge (Peter Dinklage !). Tandis qu’ils se révèlent deux adversaires plutôt redoutables au cours des deux scènes qui les confrontent au Autobots, ils se font subitement massacrer en deux coups de cuillère à pot, au profits de mobs scorpions génériques – que les résumés du film décrivent comme de prétendus Scorponok drones, et donc des Predacons, pour les plus connaisseurs des Best Wars : Animutants.

Trivia (Parce que je trouve ça si « amusant », que je ne ne peux résister):
L’auteur de l’histoire, et scénariste principal, de Rise of the Beasts se nomme Joby Harold, co-scénariste du Roi Arthur : La Légende d’Excalibur de Guy Ritchie, Army of the Dead de Zack Snyder, et de trois épisodes d’Obi-Wan Kenobi. Mais en ce qui nous concerne, il est également et surtout l’auteur de l’histoire de The Flash (actuellement dans les salles, pour ceux qui reviendraient de leur séjour au cœur des steppes de Mongolie). Mais ce n’est pas tout, puisque l’écriture dudit scénario (celui de The Flash donc) a été confiée à Christina Hodson, qui est, elle, la scénariste de Bumblebee, en 2018 !
Je raffole de ce genre d’anecdotes. De plus me confirment-elles la vacuité de nombreuses tergiversations et théories stériles de fans à propos des choix, stratégies marketing et guéguerres entre tel(s) studio(s) ou compagnie(s), de Disney-Marvel versus Warner-DC, ou encore Paramount (distributeurs de Transformers), Universal et 20th Century Fox. Sans oublier le géant Sony, qui possèdent encore les droits de certains personnages de Marvel.
Car en vérité je vous le dit : Hollywood est un milieu plus ou moins perméable, dans lequel circulent essentiellement les mêmes noms. Un milieu dans lequel, si la renommée est parfois faite au prix de la sueur et la démonstration de talent, elle l’est le plus souvent par népotisme, ou relations. Ainsi tant les auteurs, les acteurs que les réalisateurs s’achètent et s’échangent au gré des modes, des durées de contrats, et plus certainement encore de la fantaisie des producteurs.
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Crédits du Film

Transformers: Rise of the Beasts
127 minutes
Distribution
Anthony Ramo en Noah Diaz
Dominique Fishback en Elena Wallace
Dean Scott Vazquez en Kris Diaz
Luna Lauren Velez en Breanna Diaz
Pete Davidson en Mirage (voix)
Peter Cullen en Optimus Prime (voix)
Ron Perlman en Optimus Primal (voix)
Peter Dinklage en Scourge (voix)
Michelle Yeoh en Airazor (voix)
Liza Koshy en Arcee (voix)
Cristo Fernández en Wheeljack (voix)
Colman Domingo en Unicron (voix)
Réalisation
Steven Caple Jr.
Histoire
Joby Harold
Scénario
Joby Harold
Darnell Metayer
Josh Peters
Erich Hoeber
Jon Hoeber
Direction de la Photographie
Enrique Chediak
Montage
William Goldenberg
Joel Negron
Musique
Jongnic Bontemps
2 commentaires
Critique très sympathique à lire comme d’hab, riche et dynamique, mais elle n’aura pas réussi à me convaincre de regarder ce film, contrairement à ta critique sur le dernier Donjons & Dragons 😉
Merci!
C’est gentil ça, de laisser un com’
Pas grave… Donjons & Dragons et Transformers: ROTB se valent assez; le premier est avant tout une comédie, le second aurait gagné à l’être davantage.
Et on sait tous pertinemment que le seul blockbuster de ces derniers mois à vraiment valoir la peine est les Gardiens Vol.3 !🦝